Decisive Campaigns: Barbarossa, développé par VR Designs et publié par Slitherine, propose une simulation intéressante de l’opération Barbarossa — l’invasion allemande de l’Union soviétique en 1941
Ce wargame, à la croisée du jeu de stratégie opérationnelle et du jeu de rôle militaire, se distingue par son approche unique du commandement, où la stratégie pure s’entremêle avec la gestion politique, logistique, et les relations humaines. Ce n’est pas seulement un jeu de guerre : c’est un simulateur de prise de décision à échelle stratégique.
Dans Barbarossa, vous ne jouez pas seulement une armée, vous incarnez un haut commandant en situation de guerre totale. Côté allemand, vous êtes à la tête du Groupe d’Armées Centre, responsable de l’offensive vers Moscou, mais également soumis à la pression constante du haut commandement nazi. Chaque décision pèse sur le champ de bataille, mais aussi sur vos relations avec Hitler, Göring ou vos généraux subordonnés. Vous devez équilibrer efficacité militaire, loyauté politique et autorité personnelle, tout en gérant la logistique, les affectations et les dilemmes éthiques, comme l’application ou le refus d'obéir à des ordres criminels. Le joueur est confronté à des tensions internes qui influencent directement la performance des troupes, la disponibilité des ressources et la stabilité de la chaîne de commandement.
Mais Decisive Campaigns: Barbarossa ne se limite pas au camp allemand : il est également possible de jouer le haut commandement soviétique, incarnant un poste clé dans l'appareil militaire stalinien. Ce rôle propose un défi radicalement différent, où le joueur doit faire face à une armée mal préparée, un commandement affaibli par les purges, et la peur constante de déplaire à Staline. Les généraux soviétiques agissent parfois de manière irrationnelle ou passive si leurs opinions divergent de la ligne imposée. Il faut maintenir l’ordre, renforcer la loyauté politique des officiers, et limiter les pertes sans paraître défaitiste — au risque de sanctions brutales. Cette dualité de gameplay offre deux expériences distinctes mais complémentaires, chacune reflétant la complexité des systèmes militaires et politiques de l'époque, avec une fidélité historique rare dans un jeu de stratégie. C'est parfois dérangeant, mais jamais hors de propos, ça simule des réalités historiques.
La carte du jeu couvre une large portion du front Est, de Varsovie à Smolensk, avec des hexagones représentant 10 km chacun. Les unités sont basées sur l’ordre de bataille historique réel, avec une attention méticuleuse portée aux blindés, à l’infanterie, à l’artillerie, et aux lignes logistiques. Chaque tour représente une semaine, et la gestion du ravitaillement devient rapidement une priorité critique. Les convois de ravitaillement doivent être protégés, optimisés, et parfois détournés en urgence pour éviter l’effondrement d’un secteur entier.
Le système de combat tient compte de la cohésion, de l’expérience, de la fatigue, de la qualité du commandement, et de l’approvisionnement. Une attaque mal préparée peut entraîner de lourdes pertes, même contre une force inférieure. La météo, le terrain et la distance par rapport aux centres logistiques influencent directement vos capacités d’action. Le jeu vous pousse donc à planifier plusieurs tours à l’avance, avec des marges de sécurité — comme le ferait un véritable état major.
L’interface, bien que dense, est assez fonctionnelle. Elle donne accès à une quantité impressionnante de rapports, cartes, fiches de personnel, journaux et tableaux logistiques. Le jeu offre un mode briefing très immersif, où chaque tour commence par des échanges avec vos officiers, suivis de rapports de terrain et de recommandations. Cette immersion dans la gestion quotidienne du commandement donne au joueur le sentiment d’être véritablement à la tête d’une opération majeure.
Chaque officier, division, ou zone logistique possède ses propres statistiques, modifiables à travers des ordres ou des décisions politiques. Cette granularité ne freine pas le rythme du jeu, mais au contraire, enrichit chaque choix. Le joueur peut également automatiser certains éléments (comme la gestion des dépôts) pour se concentrer sur la stratégie globale.
L’intelligence artificielle est compétente, particulièrement côté soviétique. Elle effectue des replis, des regroupements et des contre-attaques crédibles. Mais c’est surtout la rejouabilité par la variation des décisions politiques, de la météo, et du comportement de vos subordonnés qui rend le jeu passionnant. Deux campagnes ne se ressemblent jamais : un général frustré peut saboter vos ordres, un soutien logistique peut s’effondrer, ou un différend avec Hitler peut provoquer un transfert inattendu.
Le jeu dispose aussi d’un mode multijoueur par e-mail (PBEM) pour affronter un autre joueur dans un contexte aussi complexe que réaliste.
Decisive Campaigns: Barbarossa s’adresse aux joueurs expérimentés, avides de jeux profonds. Il mêle la rigueur d’un wargame opérationnel avec une simulation humaine et politique jamais simulée aussi finement jusqu'alors. Ce jeu ne se contente pas de simuler les mouvements de troupes : il vous met dans la peau d’un commandant confronté aux dilemmes de la guerre totale. Si vous cherchez un défi intellectuel, éthique et stratégique, ce titre est un incontournable, malgré une ergonomie un peu datée.
Évaluation du niveau de complexité, si vous souhaitez savoir comment j'ai déterminé ces critères, je vous invite à parcourir la page dédiée au wargaming numérique.